Dans l'atelier de... est l'occasion de faire plus ample connaissance avec un.e auteur.e. Aujourd'hui, nous allons à la rencontre du vidéaste Irvin Anneix, invité du festival Hors Limites 2023 avec l'autrice Caroline Solé.

Comment êtes-vous devenu auteur/ illustrateur/ vidéaste ?

J’ai grandi dans un petit village en Bretagne. Après le collège, je suis rentré au lycée avec une option en arts appliqués. Ça m’a énormément plu, j’y ai trouvé un espace dans lequel je pouvais m’exprimer librement et sans tabou. Je pouvais transgresser tous les codes, et ça, c'était émancipateur pour l’ado introverti que j’étais.

J’ai poursuivi mes études en design numérique à Paris. Pour mon projet de fin d’études, j’ai réalisé un documentaire sur les thérapies par l’art. Je suis intervenu pendant plusieurs semaines dans deux centres médicaux. Avec les équipes de ces centres, nous avons inventé des activités artistiques thérapeutiques autour des médiums issus du graphisme, comme la typographie, la peinture, le collage ou l’illustration. Pour le film, j’ai mené mes premières interviews auprès des participants.

De nature peureuse, j’ai du me dépasser pour mener ces interviews. Leurs parcours de vie m’ont beaucoup touché. Relayer leurs histoires avec justesse, j’ai trouvé ça très stimulant. C’est peut-être pour cela qu’aujourd’hui, j’aime bien relayer les histoires de ceux qu’on entend peu, les ados, mais aussi les seniors. Par la suite, je me suis établi en région parisienne, à Saint-Denis, et j’ai commencé à développer mes propres projets documentaires.

Pourquoi avez-vous fait le choix de vous adresser au jeune public ?Sans titre1

Je réalise aujourd’hui beaucoup de films sur l’adolescence, à l’image de ma série « Cher futur moi », pour laquelle je propose à des ados d’adresser un message en vidéo à leur « futur moi » dans 10 ans. C’est ce qu’on appelle des capsules temporelles numériques.

J’ai également mené le projet « Mots d’ados », pour lequel j’ai collecté pendant plusieurs années des centaines de journaux intimes rédigés par des ados (d’aujourd’hui et d’hier). La point de départ de ce projet, c’était mon propre journal intime d’adolescent, que j’avais intitulé « Le journal des rêves ».

Dedans, j’y inventais des histoires fantastiques et je racontais aussi mon profond mal-être du à la découverte de mon homosexualité dans un environnement et une société homophobe. C’était un endroit précieux, qui me permettait de vivre des désirs inavouables dans la réalité. Ce journal a été thérapeutique pour moi.

Je l’avais complètement oublié, puis je l’ai retrouvé il y a quelques années à l’occasion d’un déménagement. J’ai tout de suis eu envie de le diffuser anonymement, pour qu’il puisse aider d’autres jeunes LGBT de la ruralité, leur faire comprendre qu’ils ne sont pas les seuls et qu’il ne faut surtout pas baisser les bras.

Y-a-t-il un livre ou un film qui vous a marqué lorsque vous étiez enfant ?

Beaucoup. Quand j’étais pré-ado, je lisais beaucoup de bandes-dessinées et de mangas. Je regardais beaucoup de séries animées japonaises comme Pokémon, Dragon Ball, Naruto, Saint Seiya… Je m’en inspirais pour réaliser des fan art à l’encre de Chine. Cette période m’a marqué, car aujourd’hui, mon chat porte le nom d’un des personnages des chevaliers du zodiaque.

J’étais un fan des films de Myazaki, avec « Princesse Mononoké » en tête. J’aimais cette nature sauvage, mystérieuse et magique. Les jeux vidéo d’aventure et fantastique ont énormément développé ma créativité : Zelda, Star fox Adventure, Âge of mythology etc.

En grandissant, j’ai commencé à m’intéresser à des oeuvres plus réalistes et intimistes. Grace à ma soeur, je suis devenu un grand fan de Björk. (Et je le suis toujours !). Le film « Dancer in the dark » m’a bouleversé. Au lycée, la lecture et l’analyse de « l’Assomoir » de Zola m’a énormément stimulé intellectuellement (J'avais une super prof de français). J’ai commencé à m’intéresser de plus en plus aux oeuvres sociales.

Avez-vous un auteur/artiste de référence ?

Dans le domaine des arts plastiques, je pourrais citer Anette Messager qui travaille beaucoup autour des questions liées à l’intime, puis Olinka Vištica et Dražen Grubišic qui ont fondé le "musée des coeurs brisés" de Zagreb, une gigantesque collection qui rassemble des objets et témoignages documentaires de ruptures amoureuses.

Dans le champs du cinéma documentaire, je pourrais citer Jonathan Caouette (et son film autobiographique « Tarnation »). Je viens également de regarder (enfin!), les invisibles de Sébastien Lifshitz. Ça m’a bouleversé. Je suis un peu déçu de ne pas avoir pu faire ce film avant lui.

Quelles sont vos sources d'inspirations ?

En ce moment, je suis un peu en panne sèche car je sors d’une période vraiment trop intense de travail et j’ai besoin de récupérer.

Ça peut paraitre complètement cliché, mais je trouve une certaine sérénité dans la nature et auprès des animaux. J’ai grandi en liberté avec des chats, des chiens, des poissons, des tortues, des poules, des pigeons, des lapins, des moutons, des canards, des oies… Mon enfance, c’était un peu l’arche de Noë, et je dois avouer que ça me manque un peu. Ado, je partais avec mon appareil photo faire de longues ballades dans la campagne environnante, je capturais les lumières, les ombres, la brume, les insectes, les champignons, le givre, les reflets. C’était mes premières émotions artistiques. Ces dernières semaines, j’ai enchainé les expos et les spectacles, ça faisait longtemps et ça ravive ma flamme créatrice.

Comment naissent et se développent vos projets ?

Chaque projet est différent. Certains naissent des mes expériences personnelles, et d’autres sont le fruits de discussions et de collaborations avec mes ami.e.s. Je suis également accompagné d’une société de production qui me fixe des dead-line et m’apporte un regard critique. Sans ses contraintes-là, j’aurais du mal à développer mes projets.

Pouvez-vous nous dire un mot de vos projets en cours ?

Actuellement, je finis un cycle de production, et je rentre dans une phase d’écriture de nouveaux projets. Les idées fusent dans tous les sens et il va falloir faire des choix.

L’année dernière, j’ai rencontré de nombreux membres de la communauté Harajuku de Paris. Ces jeunes adoptent un style vestimentaire alternatif né au Japon dans les années 80. Leur univers est très riche et stimulant. J’écris actuellement une série documentaire autour de ces modes avec Florence Lafargue-Mislov.

Je nourri aussi le rêve de développer une série documentaire plus militante (pour l’instant intitulée « Nous sommes légion ») autour des communautés LGBT dans les quartiers populaires. J’ai rencontré il y a quelques années l’association Saint-Denis Ville au Cœur qui organise la Pride des banlieues et je trouve cet évènement absolument majeur.

On est un peu curieux, acceptez –vous de nous montrer votre bureau ? Une petite photo ?

En ce moment, je travaille beaucoup de chez moi, même si je suis la plupart du temps nomade. Mon bureau est souvent en bazar. La déco est à l’image de mon appartement : une superposition (qui va du sol au plafond) d’images, de tableaux, de plantes et d’objets d’artisanat que je glane dans mes voyages ou dans des brocantes.

Pour aller plus loin :

--> Le site d'Irvin Anneix

--> La chaîne YouTube Mots d'ados

--> La châine YouTube Cher futur moi

Bureau Irvin Anneix 2