Inclassable. C’est le premier adjectif qui vient pour évoquer Marc Alexandre Oho Bambe et son œuvre.
Écrivain de poésie et de romans, slameur, homme de scène, essayiste, Capitaine Alexandre (pseudonyme emprunté à René Char) multiplie les modes d’expression pour dire ce qu’il a à dire et faire vibrer le lecteur – spectateur – spectateur.
La plupart de ses textes fait l’objet de lectures, de mises en scène et en musique : Traversées pour Les Lumières d’Oujda, Réapprendre à vivre, un extrait de Fragments… Vous pouvez les retrouver ici : https://capitainealexandre.com/category/scenes/
« Le poème n’est accompli que s’il se fait chant, parole et musique en même temps. » Le choix de cette phrase de Léopold Sédar Senghor, sur son site Web, n’est pas innocent.
Il nomme ainsi « OLNI » - Objet Littéraire Non Identifié – une de ces récentes œuvres, Fragments, qui associe à ses textes les visuels de Fred Ebami et la musique d’Alain Larribet. Mais sans doute n’est-elle pas la seule à répondre à cette appellation.
A l’image de son œuvre, les sources de Marc Alexandre Oho Bambe sont multiples : Omar Khayam, poète persan du 11ème siècle, et, plus proches de nous, Federico Garcia Lorca, la poésie française - Paul Eluard et René Char, notamment -, la littérature « nègre » - Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire -, la poésie haïtienne (René Depestre, Franketienne), Albert Camus, jusqu’à ses contemporains : Gaël Faye, Abd Al Malik, Oxmo Puccino, Christian Bobin…
Plusieurs thèmes phares, chers à l’auteur, traversent son œuvre. Trois d’entre eux semblent essentiels : l’humanité, l’amour, l’écriture.
Capitaine Alexandre célèbre l’humanité au-delà des frontières, des conditions, de toutes les différences : dans le roman Diên Biên Phù, le soldat français Alexandre fonde une amitié indéfectible avec le tirailleur sénégalais Alassane Diop qui l’a sauvé de la mort et partage avec lui une profonde croyance en la valeur de l’être humain, en dépit de la guerre : « Alex, tu es mon frère, et notre fraternité est une fraternité d’âmes, pas celle promise par la République qui nous envoya dans cet enfer et massacra ici aussi, à Thiaroye, son honneur et d’autres de mes frères. » Dans Les Lumières d’Oujda, le Père Antoine, avec Imane, accueille dans sa paroisse les « fugees », en provenance d’Afrique subsaharienne et en route vers un Occident rêvé : « Il était. Incarnait sa conviction religieuse et ce qu’elle lui commandait, garder cœur et bras grands ouverts. / Aux damnés. Tous les damnés de la terre. »
Et dans la vie, le poète-romancier, « citoyen du tout monde » s’engage en intervenant dans les écoles et les universités, avec des ateliers d’écriture.
L’amour, dans les œuvres de Marc Alexandre Oho Bambe est une correspondance pleine et entière, de corps et d’esprit, entre deux êtres. C’est l’amour qui provoque le retour d’Alexandre, vingt ans après, à Diên Biên Phù, pour rechercher Maï Lan, avec qui il a vécu une histoire passionnée : « Ma mémoire flambe. Je flanche. Retombe./ En amour.. Maï Lan danse. Contre moi. Tout contre./Je rêve. Je jouis. De tout mon être. Replonge. En elle. » Les Lumières d’Oujda célèbre aussi cet amour entre le narrateur et Imane : « Et moi, j’en pince./Pour elle./ Modeste./Que j’aime./D’un amour./Qui délivre./L’âme./ Délie./La langue./Donne./Des ailes./Pour s’envoler./De soi./Vers soi./Je m’envole./Donc./Vers moi./Vers elle./Vers nous./Vers la vie. »
Des poèmes écrits par les protagonistes énoncent et subliment ces amours. L’écriture est un autre fil directeur de l’œuvre de Capitaine Alexandre, à différents niveaux. Dans la narration, elle apparaît avec l’écriture de ces poèmes, mais aussi, par exemple dans Les Lumières d’Oujda, avec ces ateliers d’écriture que conduit le narrateur auprès des jeunes qui ont quitté leur pays. L’écriture a ici une vertu curative et libératrice. Avec ces ateliers, les jeunes réapprennent à parler (« RAP ») : « Le sens est là. / Dans les moments partagés avec les jeunes, les sourires échangés, les rires aux éclats de vivre./ Ensemble./ Les mots dits, portés, offerts./ Ensemble. /Pour vaincre la tristesse et l’amertume des jours./Oublier la guerre, en soi. Autour. / Vivre ou revivre./ Ensemble. »
Et l’écriture, c’est bien sûr aussi celle de l’écrivain, avec ses jeux de mots, sa verve, son langage percutant, son camfranglais, ses poèmes, ses chants. Les Conf’errances poétiques (disponibles ici : https://capitainealexandre.com/words-music/conf-errance-poetique/) nous éclairent sur le chemin qui l’a conduit aux mots et sur sa compréhension de ce qu'est la poésie.
Inclassable, fort de la richesse de l’expression orale, écrite, dite, lue ou chantée, Marc Alexandre Oho Bambe ne se laisse pas enfermer dans un style, dans un genre, ni même dans des sujets. Parmi ses objectifs, son œuvre, exigeante, a celui de nous (re)donner foi en l’humanité.
Repères biographiques
14 août 1976 : naissance à Doula, Cameroun
1993 : arrivée en France, études d’attaché de presse
Travaille un temps dans le secteur de la communication.
2006 : fondation du Collectif On a slamé sur la Lune
2009 : Afriques Diaspora Négritude, hommage à Aimé Césaire et au Cameroun
2014 : Le chemin des possibles, édition La Cheminante
2016 : Résidents de la République, édition La Cheminante
2017 : De terre, de mer, d’amour, de feu, édition Mémoire d’Encrier (adapté en opéra slam baroque)
2018 : Diên Biên Phù, édition Sabine Wespieser (adapté à la scène)
2018 : Ci-gît mon cœur, édition La Cheminante (adapté à la scène)
2019 : Fragments, Bernard Chauveau éditeur (adapté en opéra slam)
2020 : Les Lumières d’Ojda, édition Calmann-Lévy
Marc Alexandre Oho Bambe anime des ateliers d’écriture dans les établissements scolaires et universitaires. Il est également chroniqueur dans différents médias : Africultures, Mediapart, Le Point Afrique…