Une sélection de la Médiathèque de Bagnolet [Décembre 2011]

Partie 1 : Introduction et carte Google

 

Le terme giallo (littéralement « jaune ») est le nom utilisé en Italie pour désigner le roman policier. Il tire son origine de la collection "Libri Gialli" (les livres jaunes), une collection de romans policiers des éditions Mondadori créée en 1929.

Le nombre d’auteurs noirs italiens a explosé au milieu des années 2000 avant d’être plus ou moins éclipsée par la vague nordique. A l’heure où l’Italie traverse une crise politique et économique d’envergure, le polar reste une manière de jeter un regard souvent noir et cynique sur la société italienne.

Petit tour d’horizon donc de l’ensemble de la production policière italienne loin d’être uniforme comme nous l’expliquait déjà en 2002 Gérard Meudal pour Le Monde :

"Qu’y a-t-il de commun entre La Peur, de Laura Grimaldi, empreint de l’atmosphère oppressante d’un huis clos familial, et Le Respect, de Beppe Ferrandino, où un privé napolitain se retrouve aux prises avec les camoristes ? Entre les romans de Massimo Carlotto ou de Cesare Battisti, inspirés par les années de plomb, et l’enquête de Nino Filasto sur l’affaire des faux Modigliani (La Nuit des roses noires) ?

Tout au plus peut-on relever des tendances : la volonté de rendre compte des particularités régionales tout en évitant le folklore (la Sardaigne de Fois, la Sicile de Camilleri) et le courage d’affronter les périodes tourmentées de l’histoire nationale, de Mussolini aux Brigades rouges. Alors, les discussions sur le jaune, le noir, le thriller, le roman de procédure, le gothique rural ou les jeunes cannibales sont sans objet. Il est remarquable que de nombreux auteurs passent volontiers du fantastique au roman noir, de la science- fiction à l’intrigue historique, brassant allégrement les genres pour nous en faire voir de toutes les couleurs et insuffler une vitalité nouvelle à la littérature italienne."

Avant de vous proposer une bibliographie, voici une petite carte Google dans laquelle vous retrouverez les villes dans lesquelles se passent une sélection de romans noirs italiens : une carte idéale pour choisir votre prochaine destination de voyage...

 

 

Partie 2 : Histoire et sélection thématique

 

En 1929 apparaît la plus célèbre des collections policières italiennes : « Libri gialli » (les livres jaunes), créée par l’éditeur milanais Mondadori. Le succès de cette collection à la couverture jaune donnera le néologisme Giallo qui définit le genre policier en Italie.

 Les origines

Le véritable essor de la littérature policière italienne commence assez tardivement. « Si à partir de la seconde moitié du XIXe siècle la littérature populaire est bien présente, notamment le roman d’aventure, son développement connaît les limites d’une unification nationale tardive. » nous indique Claude Mesplède dans son Dictionnaire des Littératures Policières. « C’est pourquoi le roman policier fera son apparition avec un certain retard et que longtemps, l’Italie restera une terre de conquête pour les auteurs étrangers, surtout anglo-saxons et français. » poursuit-il.

 La période fasciste

Le fascisme favorise les écrivains italiens en imposant des quotas d’auteurs transalpins dans chaque collection mais il impose aussi des contraintes de plus en plus drastiques. En effet, la censure fasciste veille à ce qu’aucune histoire criminelle ne se déroule en Italie. Puis en 1937, le ministère de la Culture Populaire exige que les criminels soient des étrangers, qu’ils ne se suicident pas pour que justice soit rendue. Finalement, en 1941, toute production de romans policiers « nocifs pour la jeunesse » est interdite.

 L’après-guerre

A la fin de la guerre, l’éditeur Mondadori créée une nouvelle collection spécialisée « Giallo Mondadori ». Un grand nombre d’auteurs anglo-saxons interdits sous l’ère fasciste y seront édités, au détriment des italiens. Ainsi, entre 1946 et 1965, Giallo Mondadori publie 537 polars américains, 162 polars britanniques et… 12 auteurs italiens.

Le renouveau du polar italien intervient dans les années 60 avec Giorgio Scerbanenco. Ses quatre romans du cycle Duca Lamberti restent un véritable monument au milieu de l’abondante production de l’auteur. On notera aussi le sicilien Leonardo Sciascia et la dénonciation de la mafia. Dans les années 70/80, des auteurs comme Fruttero et Lucentini, Laura Grimaldi, Loriano Macchiavelli ou Renato Olivieri connaissent un succès populaire, à la fois en Italie et à l’étranger. Macchiavelli et son célèbre brigadier Sarti Antonio connaîtront même une adaptation télévisée à grand succès.

En 1982, Oreste del Buono, nouveau directeur de la collection « il Giallo Mondadori » lance le prix Alberto Tedeschi couronnant le meilleur polar italien. Loriano Macchiavelli, ou plus tard, Carlo Lucarelli et Nino Filasto seront ainsi récompensés.

 Le renouveau des années 90

Dans les années 90, sous l’impulsion de Macchiavelli, est créé le groupe 13 dans lequel on retrouve de nouveaux auteurs comme Marcello Fois ou Carlo Lucarelli. Leur projet : faire vivre et enrichir la littérature policière italienne. Ce groupe constitue une étape identitaire importante pour le polar italien. Moins policiers mais plus noirs, les récits collent plus à la réalité et on y trouve une critique sociale plus présente.

Cette génération noire est décrite par Sandrone Dazieri (auteur et directeur alors de la collection "Il Giallo Mondadori en 2004 : « Il s’agit de nouveaux écrivains qui veulent raconter leur pays, des mystères, des événements, un point de vue non officiel avec un certain côté social. Il y a une empreinte fortement sociale déclinée sur divers modes. Il y a celui qui est plus littéraire, comme Marcello Fois, celui qui sait parfaitement comment fonctionne la police, comme Carlo Lucarelli, celui qui invente des ballades métropolitaines et joue avec les calembours comme Andrea Pinketts, celui qui parle de la criminalité comme Massimo Carlotto et celui qui est issu des centres sociaux comme moi . »

 Deux phénomènes :

Étonnamment, l’auteur phare du polar italien de ces dernières années n’est pas incarné par le plus jeunes des écrivains. Andrea Camilleri, né en 1925 et décédé en juillet 2019, est arrivé dans le polar en 1994. Il est devenu en quelques années une véritable institution en Italie. Il accède à la notoriété grâce au personnage de Salvo Montalbano, commissaire singulier, colérique et bon vivant. Chaque enquête est un succès. Une adaptation télé à est réalisée.

Enfin et même s’il ne s’agit pas d’un roman policier, il faut mentionner « Gomorra. Dans l’empire de la camorra » de Roberto Saviano. Saviano a enquêté pendant plusieurs années sur les activités de la Camorra, l’organisation criminelle qui règne sur Naples et toute la Campanie, ce qui lui vaut de vivre aujourd’hui sous protection policière.

Mise à jour :

Plus récemment, plusieurs auteurs sont venus garnir les étagères de la Médiathèque.

Valerio Varesi met en scène sur plusieurs romans le commissaire Soneri, enquêteur à l’instinct souvent comparé à Jules Maigret, policier mélancolique et désenchanté. Il tisse ses enquêtes entre passé et présent, histoire et actualité, fait divers et politique…
Littérature populaire de haut niveau, la série Soneri soigne autant ses intrigues que sa réflexion sur le monde, dans un style décalé, volontairement suranné, presque anachronique. C’est aussi ce qui fait une partie du charme. Christophe Laurent sur le blog The Killer Inside Me.

Roco Schiavone, c’est le personnage récurrent des romans d’Antonio Manzini. Commissaire (ou sous-préfet) de police à Rome, il est sanctionné et muté à Champoluc, un village de montagne situé dans la vallée d'Aoste. Ses Clark’s dans la neige ne s’en remettront pas. Des enquêtes classiques mais des personnages attachants dont ce commissaire ronchon qu’on apprend à apprécier au fil des enquêtes…

Marco Vichi nous présente le Le Commissaire Bordelli, cinquantenaire débonnaire, pour des enquêtes qui se passent à Florence mais dans les années 60, période charnière dans l’histoire de l’Italie.

Le commissaire Ricciardo a ses afficionados parmi nos lecteurs ! Ce personnage créé par l’auteur Maurizio de Giovanni, est « né avec le siècle » (le XXe!) et débute ses enqûetes en 1931 dans la questure de Naples. Encore une fois, une période charnière avec la montée du fascisme mais De Giovanni y ajoute une petite dose de fantastique, Ricciardo à un don qu’il vit plutôt comme une malédiction : il voit ceux qui sont morts violemment et entend leur dernière pensée.

Avec Donato Carrisi, on passe du côté du thriller psychologique diablement efficace. C’est avec Le Chuchoteur qu’il se fait un nom en Italie comme en France. On y découvre Mila Vasquez, l'experte dans les affaires d’enlèvement que l’on retrouvera dans plusieurs enquêtes. D’autres séries suivront…

Le roman Sur le toit de l'enfer valut à son autrice d'être surnommée par la presse italienne la "Donato Carrisi au féminin" en 2015. Peut-être est-elle tout simplement Ilaria Tuti… Ce polar constitue le premier volet d'une série autour de la commissaire de police et spécialiste du profilage Teresa Battaglia. Un personnage atypique, une femme vieillissante qui commence à ressentir le poids des ans, souffre de diabète et qui cache soigneusement les premières atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Barbara Frale, un nom qu’on croirait anglophone, est néamoins une historienne italienne, médiéviste et paléographe, travaillant aux archives secrètes du Vatican. Ses recherches portent plus particulièrement sur l'Ordre du Temple. Sa spécialité : le thriller historique et ésotérique...

En 2019, les éditions Gallmeister publiaient le premier roman de Piergiorgio Pulixi, L'île des âmes. Cette première enquête de Mara Rais et Eva Croce nous plonge dans les somptueux décors de la Sardaigne, au cœur de ténèbres venues du fond des âges. Glaçant... Un auteur reconnu en Italie mais qu'on commence à découvrir... Avis aux amateurs !


En conclusion, le jaune italien n’existe pas. Il existe beaucoup de jaunes italiens, de divers niveaux littéraires. C’est ce que nous vous proposons de découvrir avec « Giallissimo ; le roman noir et policier à l’italienne » : une sélection de romans disponibles à la Médiathèque de Bagnolet.

 


Ils ont écrit des romans policiers qui se passent en Italie mais ils ne sont pas Italiens !!

L’incontournable Donna Leon, née en 1942, américaine, et les enquêtes vénitiennes du commissaire Brunetti.

Nicolas Remin, auteur allemand né en 1948 : le commissaire Tron enquête lui aussi à Venise mais dans les années 1860.

Magdalena Nabb (1947-2007) : Florence (dont elle est tombée amoureuse) et ses mystères pour des polars à l’atmosphère sombre. L’adjudant Guarnaccia enquête.

Michael Dibdin (1947-2007), auteur britannique. Son commissaire Aurelio Zen parcourt l’Italie au fil de ses enquêtes.

Veit Heinichen est un auteur allemand né en 1957. Il situe ses enquêtes dans la ville de Trieste avec le commissaire Laurenti.

Gilda Piersanti, née en Italie en 1957 et vivant à Paris depuis plus de 20 ans situe la plus part de ses romans à Rome.

Conor Fitzgerald est un romancier anglais né en 1964 qui vit actuellement à Rome. Il inaugure avec Kompromat une série dont le héros est le commissaire Blume, un personnage atypique, complexe et attachant, écartelé entre son pays d’adoption (l’Italie) et ses origines américaines.


Retrouvez les derniers romans policiers italiens achetés :

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